n°40
De la densité à Paris
Qgis, Architecture
26 sept 2021

En urbanisme, la densité d'un territoire doit être le reflet de la quantité d'humain qui y vivent par unité de surface. En particulier, elle doit permettre de mettre en lumière l'intensité d'usage du bâti et des services et réseaux qui y sont attachés. Dans un quartier dense, on aura plus d'habitants et donc besoin de plus d'écoles, d'une plus grande fréquence de ramassage des ordures et de plus larges canalisations. C'est un indicateur des politiques urbaines pour justifier la construction de nouveaux logements ou l'implantation de services.

Son calcul se fait généralement à partir de la surface d'une zone administrative (ville, arrondissement, quartier, IRIS) et de la population qui y réside. Le nombre de résidant provient des recensements qui s'intéressent uniquement au lieu de résidence et non au lieu de travail des individus, ce qui introduit immédiatement une imprécision importante pour étudier l'intensité d'usage car elle ommet les travailleurs. Un quartier d'affaire peut être considéré comme dense (en semaine) mais aura une faible population résidente. Ce n'est cependant pas ce problème qui m'intéresse aujourd'hui.

18ème arrondissement. En blanc les grandes infrastructures, cimetières et terrains de sport
18ème arrondissement. En blanc les grandes infrastructures, cimetières et terrains de sport

Ce qui me semble plus gênant est l'usage de la surface de la zone administrative totale, dans le cas de Paris généralement celle de l'arrondissement. En effet, une part non-négligeable de la surface des arrondissements est occupée par des zones non-construites et non-habitées : périphérique, rails, terrains de sport, cimetières, ... Surtout, cette part est très inégalement repartie entre les arrondissements de Paris. Les arrondissements périphériques en possèdent généralement plus que ceux du centre.

Densité selon la surface totale de l'arrondissement, population 2015
Densité selon la surface totale de l'arrondissement, population 2015

Dans la comparaison de la densité des arrondissements, celle-ci se retrouve donc sur-évaluée dans les arrondissements avec peu d'espace non-construits (3ème, 11ème) et sous-évaluée dans ceux accueillant de grandes infrastructures (18ème, 15ème). Voir ci-dessus une carte de la densité des arrondissements de Paris, telle qu'on la voit généralement, basée sur la surface totale. La population est celle du recensement de de 2015, compilées par l'APUR.

Pour obtenir une cartographie plus réaliste, je propose de calculer la densité à partir de l'emprise bâtie totale de l'arrondissement, c'est à dire de la somme des surfaces de tous les bâtiments qui la compose. Cela permet de masquer le biais généré par la répartition inégale des espaces vides dans la ville. Cela génère un indicateur intéressant pour l'architecte et l'urbaniste car représentant précisément « l'intensité d'usage humain du bâti » et inversement sur le taux de vacances des constructions. Dans une ville si homogène en terme de gabarit de construction, cet indicateur renseigne précisément sur les zones où les immeubles sont habités ou partiellement vides.

Densité selon l'emprise bâtie totale, population 2015
Densité selon l'emprise bâtie totale, population 2015

Le tableau ci-dessous reprend les données des deux cartes et permet de faire varier le classement des arrondissements selon la surface ou l'emprise bâtie. Le 11ème arrondissement est assez largement le premier selon la surface mais ne se retrouve qu'en 4ème position selon l'emprise bâtie. Ce sont les arrondissements périphériques des 20ème, 19ème et 18ème qui occupent le podium dans ce calcul, confirmant l'intuition de départ. Le 3ème arrondissement, 5ème au classement selon la surface, descend à la 13ème place selon l'emprise. En effet, c'est un arrondissement très construit (la densité de surface est proche de la densité d'emprise bâtie) mais avec beaucoup d'équipements, de musées et de locations saisonnières. Inversement, un arrondissement comme le 13ème, pénalisés par ses grands équipements remonte dans le classement.

Arrondissement Population (2015) Surface totale Emprise bâtie totale Densité surface Densité emprise bâtie
75001 16696 1824612 633985 0.009 0.026
75002 20968 991153 591653 0.021 0.035
75003 35750 1170882 644382 0.031 0.055
75004 27501 1600585 612771 0.017 0.045
75005 60202 2539374 949065 0.024 0.063
75006 43368 2153095 919452 0.020 0.047
75007 55140 4090057 1338078 0.013 0.041
75008 37325 3880036 1650073 0.010 0.023
75009 60105 2178303 1227988 0.028 0.049
75010 92573 2891739 1414306 0.032 0.065
75011 151253 3665441 1842440 0.041 0.082
75012 143557 6388139 2005954 0.022 0.072
75013 184851 7149311 2266280 0.026 0.082
75014 141175 5614877 1774677 0.025 0.080
75015 237088 8494994 2989550 0.028 0.079
75016 167797 7873838 2657580 0.021 0.063
75017 170200 5668834 2104679 0.030 0.081
75018 198820 5996051 2184799 0.033 0.091
75019 187081 6792651 2002307 0.028 0.093
75020 196959 5983446 1972398 0.033 0.100

Avec l'exemples de Paris, ces écarts avec doivent inviter à repenser le discours sur le rapport entre construction et densité. Une zone avec de grands espaces non-bâtis n'est pas forcément moins dense qu'une zone très construite – à Paris, on constate plutôt l'inverse. Le levier de la densité se situe dans l'usage des emprises bâties : bureaux, résidences secondaires et locations saisonnières contre logements réellements occupés par des familles.


c. héraud-louisadat

architecte & développeur
75018 Paris
heraud-arobase-laponies-point-fr

*1992, Strasbourg.

Diplômé d'état en 2016 de l'ENSA Paris-Malaquais et de la RWTH Aachen puis habilité à maîtrise d'oeuvre en nom propre (HMONP) en 2019, j'ai travaillé pour diverses agences à Paris. Je suis doctorant à la Faculté des sciences historiques de l'Université de Strasbourg sur les « Méthodes de l'architecture Heimatschutz ». Je développe également des applications pour le Web et la 3D. Vous pouvez également consulter l'archive des travaux laponies.fr ainsi que la carte des bonnes adresses.

Amis, famille et blogroll : Atkinson+Héraud, Anaïs Héraud-Louisadat, Héraud–Baumann, Till Baumann, La Boucle.

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