En urbanisme, la densité d'un territoire doit être le reflet de la quantité d'humain qui y vivent par unité de surface. En particulier, elle doit permettre de mettre en lumière l'intensité d'usage du bâti et des services et réseaux qui y sont attachés. Dans un quartier dense, on aura plus d'habitants et donc besoin de plus d'écoles, d'une plus grande fréquence de ramassage des ordures et de plus larges canalisations. C'est un indicateur des politiques urbaines pour justifier la construction de nouveaux logements ou l'implantation de services.
Son calcul se fait généralement à partir de la surface d'une zone administrative (ville, arrondissement, quartier, IRIS) et de la population qui y réside. Le nombre de résidant provient des recensements qui s'intéressent uniquement au lieu de résidence et non au lieu de travail des individus, ce qui introduit immédiatement une imprécision importante pour étudier l'intensité d'usage car elle ommet les travailleurs. Un quartier d'affaire peut être considéré comme dense (en semaine) mais aura une faible population résidente. Ce n'est cependant pas ce problème qui m'intéresse aujourd'hui.
Ce qui me semble plus gênant est l'usage de la surface de la zone administrative totale, dans le cas de Paris généralement celle de l'arrondissement. En effet, une part non-négligeable de la surface des arrondissements est occupée par des zones non-construites et non-habitées : périphérique, rails, terrains de sport, cimetières, ... Surtout, cette part est très inégalement repartie entre les arrondissements de Paris. Les arrondissements périphériques en possèdent généralement plus que ceux du centre.
Dans la comparaison de la densité des arrondissements, celle-ci se retrouve donc sur-évaluée dans les arrondissements avec peu d'espace non-construits (3ème, 11ème) et sous-évaluée dans ceux accueillant de grandes infrastructures (18ème, 15ème). Voir ci-dessus une carte de la densité des arrondissements de Paris, telle qu'on la voit généralement, basée sur la surface totale. La population est celle du recensement de de 2015, compilées par l'APUR.
Pour obtenir une cartographie plus réaliste, je propose de calculer la densité à partir de l'emprise bâtie totale de l'arrondissement, c'est à dire de la somme des surfaces de tous les bâtiments qui la compose. Cela permet de masquer le biais généré par la répartition inégale des espaces vides dans la ville. Cela génère un indicateur intéressant pour l'architecte et l'urbaniste car représentant précisément « l'intensité d'usage humain du bâti » et inversement sur le taux de vacances des constructions. Dans une ville si homogène en terme de gabarit de construction, cet indicateur renseigne précisément sur les zones où les immeubles sont habités ou partiellement vides.
Le tableau ci-dessous reprend les données des deux cartes et permet de faire varier le classement des arrondissements selon la surface ou l'emprise bâtie. Le 11ème arrondissement est assez largement le premier selon la surface mais ne se retrouve qu'en 4ème position selon l'emprise bâtie. Ce sont les arrondissements périphériques des 20ème, 19ème et 18ème qui occupent le podium dans ce calcul, confirmant l'intuition de départ. Le 3ème arrondissement, 5ème au classement selon la surface, descend à la 13ème place selon l'emprise. En effet, c'est un arrondissement très construit (la densité de surface est proche de la densité d'emprise bâtie) mais avec beaucoup d'équipements, de musées et de locations saisonnières. Inversement, un arrondissement comme le 13ème, pénalisés par ses grands équipements remonte dans le classement.
Arrondissement | Population (2015) | Surface totale | Emprise bâtie totale | Densité surface | Densité emprise bâtie |
---|---|---|---|---|---|
75001 | 16696 | 1824612 | 633985 | 0.009 | 0.026 |
75002 | 20968 | 991153 | 591653 | 0.021 | 0.035 |
75003 | 35750 | 1170882 | 644382 | 0.031 | 0.055 |
75004 | 27501 | 1600585 | 612771 | 0.017 | 0.045 |
75005 | 60202 | 2539374 | 949065 | 0.024 | 0.063 |
75006 | 43368 | 2153095 | 919452 | 0.020 | 0.047 |
75007 | 55140 | 4090057 | 1338078 | 0.013 | 0.041 |
75008 | 37325 | 3880036 | 1650073 | 0.010 | 0.023 |
75009 | 60105 | 2178303 | 1227988 | 0.028 | 0.049 |
75010 | 92573 | 2891739 | 1414306 | 0.032 | 0.065 |
75011 | 151253 | 3665441 | 1842440 | 0.041 | 0.082 |
75012 | 143557 | 6388139 | 2005954 | 0.022 | 0.072 |
75013 | 184851 | 7149311 | 2266280 | 0.026 | 0.082 |
75014 | 141175 | 5614877 | 1774677 | 0.025 | 0.080 |
75015 | 237088 | 8494994 | 2989550 | 0.028 | 0.079 |
75016 | 167797 | 7873838 | 2657580 | 0.021 | 0.063 |
75017 | 170200 | 5668834 | 2104679 | 0.030 | 0.081 |
75018 | 198820 | 5996051 | 2184799 | 0.033 | 0.091 |
75019 | 187081 | 6792651 | 2002307 | 0.028 | 0.093 |
75020 | 196959 | 5983446 | 1972398 | 0.033 | 0.100 |
Avec l'exemples de Paris, ces écarts avec doivent inviter à repenser le discours sur le rapport entre construction et densité. Une zone avec de grands espaces non-bâtis n'est pas forcément moins dense qu'une zone très construite – à Paris, on constate plutôt l'inverse. Le levier de la densité se situe dans l'usage des emprises bâties : bureaux, résidences secondaires et locations saisonnières contre logements réellements occupés par des familles.